La requalification du statut de bénévole en contrat de travail (ou salariat déguisé) est un risque juridique majeur pour les organisations en Suisse.

Elle survient lorsque les conditions réelles d’exécution de l’activité correspondent davantage aux critères d’un contrat de travail qu’à ceux d’un simple mandat gratuit.

La qualification du contrat ne dépend jamais de la désignation choisie par les parties (le fait de l’appeler « bénévolat »), mais de l’aménagement objectif de la relation contractuelle telle qu’elle est pratiquée sur le terrain (principe de la primauté des faits sur le droit).

Voici les critères essentiels analysés par les tribunaux et les autorités (notamment les Caisses de compensation AVS) pour distinguer le bénévolat du salariat :

1. Le Lien de Subordination (Critère Déterminant)
Le critère le plus important pour définir un contrat de travail (Art. 319 CO) est l’existence d’un lien de subordination du travailleur envers l’employeur.
Dans le cas du bénévolat, l’absence de subordination juridique doit être claire. Le lien de subordination est caractérisé par :

Critère de Subordination (Risque de Requalification)
*Controle Hiérarchique
*L’organisation impose des horaires précis et rigides ou un lieu de travail fixe.
*Le bénévole reçoit des instructions détaillées et fréquentes sur la maniere de travailler (contrôle de l’exécution).
*Integration organisationnelle forte (e-mail, badge, réunions, matériel fourni, uniforme ou tenue d’entreprise).

Bénévolat (Absence de Subordination)
*Le bénévole est largement libre d’organiser son activite.
*Le bénevole exécute la mission dans un cadre flexible et selon ses disponibilités.
*Le bénévole reçoit des instructions uniquement sur l’objectif ou la finalité de la tâche.
*L’intégration est limitée. Le bénévole est clairement distingué du personnel salarié.

2. L’Absence de Rémunération (La Gratuité)

Par définition, le bénévolat est une activité non rémunérée (mandat gratuit, Art. 394 al. 3 CO). La présence d’une rémunération est un indice fort de l’existence d’un contrat de travail.

Statut Bénévole (Défraiement)
*Remboursement des frais effectifs : (transport, repas, téléphone) sur justificatifs.
*Montants modiques : des sommes forfaitaires symboliques (par ex. moins de 100-200 CHF/an) sont parfois tolérées, mais ces sommes représentent un risque si la personne n’a pas d’autre revenu principal.
*Avantages en nature limités : repas ou accès gratuit à un évènement.

Risque de Requalification (Rémunération Déguisée)
*Versement d’une indemnité forfaitaire sans lien avec les frais réels.
*Versement d’une somme régulière, significative ou proportionnelle au travail effectué, sans justificatif.
*Attribution d’avantages en nature dont la valeur est jugée équivalente à un salaire.

3. La Durée et le Volume du Travail

L’intensité et la régularité de l’activité sont également prises en compte :
* Volume horaire élevé : Même sans rémunération, un engagement bénévole régulier et sur une longue durée qui dépasse le cadre d’un engagement purement occasionnel ou complémentaire (souvent plus de 6 à 8 heures par semaine en moyenne) augmente le risque.
* Concurrence avec le Salariat : la personne bénévole ne doit pas être sollicitée afin de remplacer un employé rémunéré, ni afin d’effectuer les tâches prévues pour l’employé rémunéré. Un employeur qui recourt au bénévolat pour un poste structurel, permanent et nécessaire à son activité, s’expose à la requalification.

🛑 Conséquences de la Requalification

Si un juge ou une Caisse de compensation AVS requalifie le bénévolat en contrat de travail, l’organisation s’expose à de lourdes conséquences, y compris avec effet rétroactif (jusqu’à 5 ans) :
* Versement d’un Salaire Rétroactif : Obligation de verser un salaire correspondant au travail effectué, majoré des intérêts.
* Paiement des Charges Sociales : Obligation de payer rétroactivement toutes les cotisations sociales (AVS/AI/APG/AC) ainsi que les cotisations à l’assurance-accidents (LAA) et à la prévoyance professionnelle (LPP), y compris la part patronale.
* Droit du Travail : Le « bénévole » requalifié bénéficie de tous les droits du salarié (vacances payées, protection contre les congés, indemnités en cas de licenciement, etc.).